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Anne BABLON

Entre chien et loup, crépuscule

Quand le ciel dérive du bleu à l'indigo
Les nuages s'étirent, mauves sur l'horizon,
A l'ouest apparaît l'Etoile du Berger.
C'est l'heure où les grands fauves vont boire à la rivière
Quand les renards, les chats, les loups et les rapaces,
Chats-huants, chouettes, grands ducs, hérissons, sangliers
Et le roi de la plaine, le cerf dans ses brisées,
Sortent enfin de leur bauge, leur gîte, leur tanière,
Les hommes rentrent chez eux, s'enferment autour du feu
Dans la crainte du froid, des ombres et des dieux.
Cet animal peureux quand la lumière s'éteint
Va s'entourer des siens, des troupeaux et des chiens
Qui, comme lui, sont craintifs au moment du déclin.
Au temps lointain des dieux, pour dominer sa peur
L'homme avait habité tout ce monde nocturne
De faunes, divinités, monstrueux ou bénins,
Et leur sacrifiait une partie de ses biens.

C'est l'heure que je préfère. L'été, après dîner,
Quand la chaleur du jour se transforme en serein,
Je pars vagabonder dans les landes, les halliers,
Ecouter les nocturnes qui s'étirent en baillant,
Deviner les odeurs qui montent en bouffées
Du sol et des buissons, de l'eau froide des étangs,
Emanations puissantes des bêtes encore au gîte,
Et l'arôme des menthes que je foule aux pieds,
Epier dans les branches les formes d'un gibier,
Sentir les frôlements des noctules vagabonds
Ou vibrer sous l'assaut des insectes piqueurs
Qui n'ont même pas le goût de choisir un chasseur.
Tout ce peuple qui piaille, qui croasse, glapit ou gronde,
Sans pitié ni répit pour le repos du monde,
C'est la nature qui chante et jouit de ses désirs
Et puis les assouvit dans un éclat de rire.

Tours, 15 septembre 2004 / 9 juillet 2005