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André MOLIMAR

Entre breton et cantabrique (suite et fin)

Nous autres, gens des villes,
Nous qui, de la mémoire,
Avons perdu le fil,
Egaré le tranquille
Et ce qu'il en appelle,
Sombrons sur le bonheur
D’éperdu désespoir.
Magnifique carène!
Comme taureau dans l’arène
S’élançant sur un leurre.
Tandis qu’en étincelles
La terrible machine
Des picadors en vrille
Lui mate sur l’échine
Rubans et banderilles.

Il bondit, il se cabre,
Le garrot palpitant.
Par son front impudent,
Et de ses yeux livides,
Il vomit des naseaux
Cette meute macabre,
Puis s'élance à nouveau
Pour écraser le vide!
Sur la noirceur des pentes
Coulent alors des torrents
Comme lave rougeoyante.
La barque sombre, luisante
De sa vaste carcasse,
Harponnée tant hélas!
Des trente et mille dards
Tangue, vacille, se casse.
Et fourche formidable
De son éperon, en vain
Lance un ultime estoc...
L'insaisissable essaim...
Imbéciles assassins,
La bêtise les accable!
L'étrave comme un soc
Heurte au fond de poussière:
Chaloupe contre pierre...
Echouée sur la grève,
Epave qu'on achève...

Et lorsque vient la mort,
Que sa langue vermeille,
Violette, assoiffée,
Eblouie de soleil,
Pour une fois encor
Balaie le sable fade,
Un matador tout blanc
S'avance à l'estocade
Et puis sur le côté,
De son fleuret Pilate,
Lui laboure dans le flanc
Un autre oeil, écarlate.