Les grands
classiques

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Les grands<br>classiques

Pontus de TYARD
1521 - 1605

Chanson

Plus subtile oeuvre tirée
Ne fut onc de soie ou d'or
Qu'est votre tresse dorée
De beauté riche trésor
Oncq' amour plus sûrement
Ne tendit ses lacs ailleurs
Pour s'y celer cautement
Et surprendre mille coeurs.
La belle douce lumière
Qui luit dessous votre front
Semble l'étoile première
Qui l'ombre de la nuit rompt
Oncques d'un astre plus beau
Amour son brandon n'éprit,
Ni plus honnête flambeau
Pour rallumer un esprit.
A votre bouche ressemble
Un corail, qui tient fermés
Deux rangs de perles ensemble
D'ambre et de musc parfumés
Amour ne peut mieux choisir
Pour donner commencement
A un amoureux désir
Et le forcer doucement.
De la plus vermeille aurore,
Guide d'un soleil serein
Qui de blancheur se colore,
Vous est prêté ce beau teint
Amour oncques ne trouva
Un objet plus gracieux
Par lequel il éprouva
Comme il doit gagner les yeux.
D'Arachné ou de Minerve
Se prit votre belle main,
Qui tient la liberté serve
Et le coeur étreint au sein
Ce naeud gracieux et fort
A l'amour avez prêté,
Pour, contre tout autre effort,
Contraindre une volonté.
La contenance et la grâce
Peinte en votre gravité
Représente au vif la face
De la même majesté
Amour vous doit ressembler
Quand voletant par les lieux
Il fait dessous soi trembler
Et les hommes et les dieux.
Or cette beauté tant belle
N'eût jamais su toutefois
Ranger mon esprit rebelle
Sous les amoureuses lois,
Car déjà pour autre objet
Ayant souffert mille morts,
Il fuyait d'être sujet
A toutes beautés du corps.
Votre esprit qui en Parnasse
But tant de votre liqueur
Qu'il tient la dixième place
De l'Éliconien choeur,
C'est ce que j'ai admiré
Et qui tant m'attire à soi
Qu'aux mains d'amour j'ai juré
Une inviolable foi.
Lui, d'une éternelle source,
Éternel toujours vivra,
Mon amour de même course
Éternel donc le fuira
Et si vraie est la fureur
Dont Phébus le coeur me point,
Votre esprit, ni mon ardeur,
Ni mes vers ne mourront point.